Marine Thami Bachard
Marine est une passionnée. Elle aime notamment Paris, sa ville d’adoption, qu’elle adore faire découvrir au travers de ses lieux préférés. Elle nous donne d’ailleurs rendez-vous, pour l’anecdote, devant l’un des photomatons vintages emblématiques de celle-ci. Hélas, en cette première journée quasi estivale du printemps, nous ne sommes pas les seuls. En attendant de trouver un nouvel emplacement pour le shooting, elle nous emmène dans un café où elle a ses habitudes, afin de nous parler de son métier, interprète en langue des signes française (LSF).
Une fois installée, Marine nous lance d’emblée : « Je me suis toujours tenue un peu en dehors des cases, et ce, dans tous les aspects de ma vie : le modèle familial avec lequel j’ai grandi, l’éducation que j’ai reçue, les voyages que j’ai effectués, les différents métiers que j’ai exercés, mes activités…Ma vie ressemble à ma personnalité : atypique ! »
L’apprentissage de la langue des signes s’est imposé finalement lui aussi, très tôt « comme une évidence ». Mais elle n’est devenue interprète que bien plus tard. Avant cela, elle a exercé bon nombre d’autres métiers en France et à l’étranger aussi divers que variés tels que modèle aux Beaux-Arts, relations publiques dans l’évènementiel, professeure, rédactrice dans une agence de publicité, voix off… pour n’en citer que quelques-uns.
Alors quel a été le déclic ? « La langue des signes a toujours fait partie de ma vie mais je n’avais jamais envisagé qu’elle s’intègre à mon parcours professionnel. Comme toutes les opportunités, il est toujours question de rencontres et de timing. J’ai voulu saisir cette chance qui m’était offerte comme si c’était la dernière lorsqu’elle s’est présentée. J’ai donc tout quitté pour recommencer à zéro sur le tard. J’aime rajouter des challenges dans mes défis », explique-t-elle
Elle sort diplômée de l’université en 2014. Dix ans d’un métier dont « [elle] ne se lassera pas » parce qu’il attise toujours autant sa curiosité et permet d’assouvir cette soif d’apprendre. La variété des interventions et la diversité des profils rencontrés participent à maintenir l’attrait pour cette profession. « Être cheffe d’entreprise impose une obligation de moyen dans l’exercice de notre métier ».
En parallèle de son activité comme indépendante, elle dispense quelques heures en tant que chargée de cours à l’université, travaille comme interprète au sein de l’APHP et collabore dès qu’elle le peut avec le ministère de la Justice. « Il y a beaucoup de similitudes entre les deux derniers domaines d’intervention, indique-t-elle. Cela demande de posséder une éthique irréprochable et de s’imposer un cadre déontologie solide ». « Mon côté vieille école certainement ! plaisante-t-elle. L’expérimentation et l’égo n’ont nullement leur place lorsque les enjeux sont alors vitaux ».
Interrogée sur son signe préféré, elle répond malicieusement : « S’il y en a un ce sera forcément un signe argotique parce qu’à mes yeux, c’est le dernier bastion imprenable détenu par les locuteurs sourds. Et cette idée me plait ! » Elle précise : « Il n’y a absolument aucune création ni réappropriation culturelle possible de la part d’une personne entendante. Le signe argotique est forcément cryptique car il est intrinsèquement lié au fait de n’être connu que des initiés. À partir du moment où le code est levé, il doit être changé. Pour exister il se doit de rester inaccessible aux néophytes. J’aime ce côté brut, pur et non policé de la langue naturelle. Est-ce que c’est aussi parce que cela représente un défi pour nous, les interprètes ? Cela attise mon goût pour l’herméneutique (l’art de comprendre et d’interpréter) et défend assez bien l’idée que la forme est aussi porteuse de sens que le fond du discours. Dans ce cas précis, je perçois le niveau de langue et l’intention sans pour autant être capable de rendre dans l’instant la pleine justesse du propos ».
Elle ne retient pas en revanche de moments plus marquant qu’un autre dans sa carrière : « J’ai essayé de repenser à mon parcours et de me demander quelles ont été mes expériences professionnelles les plus significatives mais je suis finalement à chaque fois surprise par la suivante. La bonne réponse est certainement « vivement les prochaines aventures ! »
Et puisqu’il n’y a pas que le travail dans la vie, Marine se passionne aussi pour, on la cite : « l’univers burlesque, le hula-hoop, la photographie, la littérature (même si je dépasse rarement la première moitiée du XVIIeme siècle), les matchs d’impro, la couture, le hula-hoop… »
Se passionner pour le hula-hoop au point de le mentionner deux fois ? Ça aussi c’est assez atypique. Mais on se dit qu’au fond, cela lui ressemble complètement.