Anaïs Athané

Anaïs n’a pas perdu de temps. Elle a su dès l’adolescence qu’elle voulait devenir interprète en langue des signes française (LSF) et… c’est ce qu’elle a fait.

Elle raconte : « C’était durant mon stage de découverte en 3ème au collège. J’étais dans une institution accueillant des jeunes handicapés. C’est à ce moment que j’ai rencontré une professionnelle qui m’a parlé de la langue des signes française (LSF). Dans cette institution, les usagers ne s’exprimaient pas en LSF, mais cette professionnelle la pratiquait par ailleurs. On en a discuté et je me suis aussitôt renseignée sur Internet. Il fallait absolument que j’apprenne cette langue afin de devenir interprète ».

Elle complète : « À la base, j’adore les langues. J’avais pensé partir en Espagne pour me former à l’espagnol. Mais, suite à la découverte de la LSF, j’ai filé droit vers Paris VIII pour devenir interprète F-LSF. »
Elle fera donc pendant plusieurs années le trajet Versailles-Paris VIII en transports, signe d’une certaine motivation (faites-le et vous comprendrez !). 

Ce qui lui plaît dans la langue des signes, affirme-t-elle, « c’est le fait quelle soit liée àune communauté, à une culture propre ». Elle poursuit : « Je trouve la construction de cette langue très enrichissante. Elle forge une autre façon de penser. Son caractère visuel ma vraiment séduite. Le fait également de pouvoir exprimer avec le corps plusieurs éléments de sens simultanément, et ce dans un même espace-temps, tandis que le français se construit linéairement dans le temps. »

Une fois son Master en poche, elle débute comme vacataire à SERAC, un service d’interprètes en langue des signes. Elle exerce ensuite sous différents statuts : salariée à temps partiel, indépendante… Elle reconnaît ne pas avoir spécialement de domaine de prédilection : « Je suis généralement curieuse d’apprendre. C’est aussi pour ça que j’aime tant le métier d’interprète. Il me permet de découvrir une grande variété de domaines et de faire une multitude de rencontres. J’apprécie notamment les interventions dans le milieu médical depuis que je suis sortie de formation. »

C’est un domaine que certain.es interprètes redoutent du fait de l’impact émotionnel que cela peut engendrer. « Évidemment, il y a des expériences difficiles, répond-elle. Après, on peut en parler entre collègues, ça fait du bien. J’arrive, sur l’instant, à mettre une certaine distance. Mais ça n’empêche qu’ensuite, on doit parvenir à gérer intérieurement des situations sensibles. Étant des passeurs de sens, les émotions des interlocuteurs nous traversent. Ça nous touche, ça nous heurte forcément. Il faut arriver à s’en protéger, ce qui n’est pas toujours simple, mais je trouve des exutoires aux situations difficiles. »

Anaïs se souvient en particulier d’une expérience marquante dans un service social : « C’était une mère qui rendait visite à son bébé. Elle n’en avait plus la garde. Le temps dont elle disposait était extrêmement court. À la fin de la séance, elle a éclaté en sanglots ». Elle cite également une autre situation dans le même domaine où un enfant plus âgé devait, à la fin de la séance, se séparer de sa mère : « C’était très, très bouleversant. La médiatrice et moi avions les larmes aux yeux à la fin de l’entrevue. C’était tout simplement plus fort que nous. »

Elle se montre intarissable sur l’amour de son métier : « Jadore toujours mon métier, je ne pourrais jamais le quitter. Il m’apporte énormément et ce que j’aime beaucoup, c’est l’énergie qu’il me donne. Il me nourrit au quotidien, parce qu’on apprend tout le temps sur le terrain en découvrant constamment de nouveaux domaines. J’apprécie par ailleurs le travail nécessaire de préparation à effectuer avant chaque intervention ; les recherches liées au vocabulaire et au contexte. Je suis toujours passionnée, toujours autant. »

Ce qui explique peut-être que sa passion pour le métier reste intacte, c’est que ce n’est pas sa seule activité. Elle intervient également en tant qu’assistante visuelle auprès de personnes aveugles ou malvoyantes. Elle est aussi artiste musicienne. Anaïs chante et joue du Bodhrán au sein d’un groupe pop-folk qui se nomme OLAÏLA. « Nous jouons un répertoire de compositions et de reprises en français, en anglais, en gaélique écossais, en Corse, parmi d’autres langues… Nous développons également un répertoire spécifiquement irlandais/écossais et nous nous attelons actuellement à la création d’un spectacle musical… », précise-t-elle. 

« J’aime cet équilibre entre mon métier et la musique qui sont très complémentaires et j’observe de nombreux parallèles », indique-t-elle. « En tant que musiciens, lorsque nous reprenons un chant traditionnel par exemple, nous sommes les passeurs d’un message, d’une histoire à travers notre voix et/ou notre instrument. Et en tant qu’interprètes, nous transmettons les messages des locuteurs via le processus de traduction. Il y a également un travail de préparation et de recherche que nous effectuons avant chaque prestation. Le fait aussi de se battre pour la reconnaissance d’un métier. »

Le signe préféré d’Anaïs, ou du moins le premier qui lui vient à l’esprit lorsqu’on lui pose la question, c’est le signe [POLYVALENT]. Son nom signé, c’est sa première enseignante en langue des signes qui le lui a donné, par rapport à son amour de la musique et des voyages. Il signifie « L’esprit qui voyage ». Parallèlement, elle fait de l’aquasport « pour entretenir le corps ainsi que pour le bien-être ».

On lui pose une question suggérée par un de ses collègues, Frédéric Baron : qu’est-ce que ses collègues ne savent pas d’elle ? « Peut-être le fait que je sois aussi musicienne. », répond-elle avant d’ajouter : « Non, ce qu’ils ne savent pas, c’est que je les aime tous très fort. J’apprécie réellement de travailler avec eux. Il est vraiment précieux de les savoir présents et de pouvoir échanger ensemble sur la profession, particulièrement dans les moments difficiles. En tout cas, ils ne savent peut-être pas que je suis moi aussi là pour eux. »

Nous nous quittons avec une dernière réflexion sur son parcours : « J’ai eu la chance de rencontrer ma passion assez tôt. Autour de moi,certaines personnes ne savent pas forcément où aller. Il existe de nombreuses voies possibles mais il peut être difficile d’arriver à trouver la sienne. J’ai le privilège de pouvoir vivre simultanément mes deux passions, celle du métier d’interprète et celle de la musique ».

L’esprit qui voyage… avec les pieds sur terre.


Pour découvrir OLAÏLA

Instagram: https://www.instagram.com/olaila_music/
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Spotify: https://open.spotify.com/intl-fr/artist/0wGZlHoJLE2d92Xns7p68t

xavier héraud